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Le blog du vieux singe

Les musulmans de France, entre intégration et islamophobie

4 Août 2011 Publié dans #Islamophobie

Les musulmans de France, entre intégration et islamophobie.

Le concept le plus difficile à cerner est, contrairement à ce qu’on pourrait penser, celui d’intégration. Paradoxe, car ce mot est dans tous les dictionnaires, contrairement à celui d’islamophobie.

La présence musulmane en France est le fruit de l’histoire, et notamment de l’histoire coloniale. Cette situation n’est pas propre à notre pays, puisque les musulmans du Commonwealth se retrouvent plutôt en Grande-Bretagne, ceux d’Indonésie aux Pays-Bas, et les Turcs en Allemagne. Je sais, l’empire ottoman n ’était pas une colonie allemande, mais il finit comme un quasi-protectorat.

J’ouvre - et referme - une parenthèse, celle des convertis, qui sont déjà dans la société française, avec des statuts divers, donc a priori déjà « intégrés », mais qui seront eux aussi victimes de l’islamophobie.

On ne peut pas parler de l’intégration des musulmans sans parler, pour faire la comparaison, de celle des immigrations précédentes: italienne, polonaise, juive d’Europe centrale et orientale.

Il y a une légende dorée de l’immigration d’avant-hier, dorée pour mieux noircir celles d’hier et de demain.

Histoire de l’immigration en France

Elle se serait bien passée, car il y avait une « proximité culturelle » entre cette immigration-là et la société française qui l’accueillait. Cette « proximité culturelle » est aujourd’hui invoquée pour ne pas dire religion. Il y a un siècle, on parlait de race.

Et bien, ce n’est pas vrai, cela s’est souvent très mal passé. Il y a eu un pogrom anti-italien à Aigues-Mortes en 1893. Les journaux, les romans populaires de l’époque, donnent souvent une image négative des immigrés.

Cette image varie selon les périodes : quand il y a croissance économique et/ou pénurie de main d’œuvre, les immigrés ont beaucoup de qualités. En cas de récession et/ou de chômage, ils font des boucs émissaires faciles.

Il faut aussi évoquer la fracture coloniale, et surtout la fracture algérienne. L’évènement fondateur est le décret « Crémieux » de 1870. Depuis le senatus-consulte de 1865, les Algériens avaient la nationalité française, ce qui leur donnait le droit de se faire tuer pour la patrie. Ils pouvaient devenir citoyens. Le décret Crémieux accorde d’office cette citoyenneté aux juifs indigènes. Les musulmans ne peuvent l’obtenir que s’ils renoncent à leur « statut personnel », c’est-à-dire au code musulman (mariage, droit successoral, etc..), ce qui est compris comme une sorte d’abjuration. Très peu feront cette démarche. Seront donc citoyens les métropolitains, les immigrés venus d’Espagne ou d’Italie, les juifs indigènes, mais pas les musulmans.

C’est donc la religion qui déterminera la différence entre non-citoyens et citoyens.

Cette « fracture coloniale » n’est pas une invention des « Indigènes de la République », elle ne doit être ni niée, ni considérée comme la seule explication.

Son importance vient d’être mise en évidence par l’ouvrage d’un historien étatsunien, Todd Shepard. Les universitaires et historiens américains ont trois avantages :

- ce sont des bosseurs, qui accumulent les recherches, les preuves, ne se contentent pas de généralisations hâtives

- ils ne sont pas pris dans nos querelles franco-françaises, notre tentation à chercher des justifications historiques à nos choix politiques.

- ils ont un regard extérieur, ce qui leur permet d’explorer des pistes nouvelles1.

Le livre de Todd Shepard « 1962. Comment l’indépendance algérienne a transformé la France » vient d’être traduit en français.

Je cite l’article qui lui est consacré par « Le Monde des Livres » :

Car l’indépendance algérienne, montre-t-il, a débouché sur une “nouvelle définition de l’identité nationale”. Les “nouvelles catégories juridiques” adoptées à l’été 1962 ont en effet établi une différence entre les rapatriés et les réfugiés. Tandis que les premiers restaient français, les seconds apprenaient qu’ils étaient désormais de nationalité algérienne. En affirmant, le 25 juillet 1962, que le terme de rapatrié ne s’appliquait “évidemment pas aux musulmans”, de Gaulle ne se contenta pas de mettre en cause “l’un des éléments essentiels des accords d’Evian : le droit, pour tous les habitants de l’Algérie, de garder leur nationalité française”.

Plus fondamentalement, insiste Shepard, cette décision entérinait l’idée selon laquelle les “citoyens français musulmans d’Algérie” appartenaient à un “groupe ethno-racial différent du reste des Français”. Reste à comprendre cette intrusion des critères ethniques dans le droit républicain. Pour cela, l’historien avance une explication intéressante, liée à ce qu’il appelle “l’invention de la décolonisation”.

En quelques années, montre-t-il en effet, le regard de l’opinion publique sur la décolonisation change du tout au tout. D’impensable, celle-ci est devenue inéluctable. L’échec de la colonisation jette le discrédit sur ce qui en fut l’un de ses fondements, le projet assimilationniste, qui n’est plus considéré comme un idéal mais comme une utopie, voire comme une politique rétrograde. De sorte qu’après 1962, écrit l’auteur, “il n’a plus été nécessaire d’expliquer ce qui tombait sous le sens : que les “Algériens”, d’une certaine façon, n’étaient pas semblables aux Français”.

Autre fait important : la crise économique de 1973 met fin aux « Trente glorieuses ». Les Français vivaient dans l’idée qu’il vivaient mieux que leurs parents, et que leurs enfants vivraient mieux qu’eux. Aujourd’hui, ils sont de plus persuadés que cette époque est finie.

1973 marque la fin de la mobilité sociale automatique, et la fin aussi de la mobilité de l’habitat : de la ferme (ou la tente) ancestrale à l’appartement HLM, puis au pavillon individuel.

Le contexte international est maintenant marqué par les suites de l’attentat du 11 septembre 2001. Bien souvent, la cohésion sociale se fait « sous » (une autorité) ou « contre » (un ennemi commun). Un nouvel ennemi apparaît: le « terrorisme international », avec des complices intérieurs potentiels, une « cinquième colonne ». J’aurais l’occasion de faire le parallèle avec la stigmatisation de l’immigration juive (et du judaïsme français) sous la Troisième République.

La société française traverse aussi une crise générale, sociale, éducative. Je ne citerai qu’un exemple :

Dans la « Lorraine du fer », l’intégration des Italiens dans la vie syndicale et politique française s’est faite par la CGT et le PCF, ainsi que par tous leurs réseaux. Le PCF n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même.

Qu’est-ce que l’intégration ?

On peut la distinguer de l’insertion et de l’assimilation.

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/immigration/definition.shtml

Assimilation, intégration ou insertion ?

« Ces trois termes ne sont pas neutres et reposent sur des philosophies politiques (très) différentes. L’assimilation se définit comme la pleine adhésion par les immigrés aux normes de la société d’accueil, l’expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d’origine étant cantonnée à la seule sphère privée. Dans le processus d’assimilation, l’obtention de la nationalité, conçue comme un engagement “sans retour”, revêt une importance capitale.

L’intégration exprime davantage une dynamique d’échange, dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d’un tout où l’adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d’accueil, et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté n’interdisent pas le maintien des différences.

Le processus d’insertion est le moins marqué. Tout en étant reconnu comme partie intégrante de la société d’accueil, l’étranger garde son identité d’origine, ses spécificités culturelles sont reconnues, celles-ci n’étant pas considérées comme un obstacle à son intégration dès lors qu’il respecte les règles et les valeurs de la société d’accueil. »

Dans le cas de l’assimilation, le but est de devenir « comme ». Cette assimilation ne protège pas du racisme de peau, car on reste un « noir » au yeux des racistes, même si on fait tout comme les « blancs », y compris dire du mal des autres « noirs »,

En 1940, les juifs français avaient majoritairement fait le choix de l’assimilation. Ils se définissaient pour la plupart comme des Français de confession israélite. Certains étaient même devenus chrétiens. Les nazis et leurs complices n’ont pas fait de différence.

L’intégration, c’est vivre avec, vivre dans, à tel point que le retrait ou la disparition crée un manque, un vide. La référence à une dynamique d’échange est importante. Les valeurs, les habitudes, les styles de vie ont des points communs. L’échange et la communication ne se font pas à sens unique.

Il y a des conditions nécessaires à l’intégration :

Accès égal à l’emploi, le logement, l’éducation.

Droit égal à la vie sociale, qu’elle soit propre (communautaire sans communautarisme) ou globale, tous les secteurs de la vie sociale sont concernés : loisirs, culture, sport, religion.

Les groupes d’appartenance peuvent être des médiations entre les individus, les familles, et l’ensemble de la société, ils ne doivent jamais être des écrans.

Respect des autres

Indépendance des pouvoirs publics.

Absences d’injures, brimades, etc..

Ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes, il faut participer à la vie sociale, prendre toute sa place.

Si on fait le bilan de l’intégration aujourd’hui, on constate:

Quelques réussites brillantes et médiatisées (spectacle, sport, entreprise), des échecs flagrants par ailleurs (quartiers populaires, etc..).

http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2008/10/29/l-ascension-loin-de-la-politique_1112400_0.html

La non participation à la vie publique des enfants ou petits-enfants de l’immigration est devenue encore plus flagrante depuis que Barack Obama est devenu président des Etats-Unis.

Hors députés des DOM-TOM, il n’y a à l’Assemblée nationale qu’un seul parlementaire noir : Mme George Pau-Langevin, députée de Paris, ancienne présidente du MRAP. Et cela n’a pas été sans mal, en commençant par son propre parti.

http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2008/10/28/a-la-recherche-du-barack-obama-francais_1111969_0.html

Quand M. Hamlaoui Mekachera et Mme Tokia Saïfi sont devenus ministres de la république en 2002, la droite ayant fait ce que la gauche n’avait pas fait, certains se sont demandé pourquoi.

Il y avait notamment cette réponse de Lionel Jospin, alors Premier ministre, à qui on suggérait une démarche analogue, qui aurait déclaré :

« Impossible, il n’y a pas de haut fonctionnaire issu de l’immigration ».

Bel exemple de l’esprit de caste, qui explique aussi en partie l’échec de 2002.

Dans un article du « Monde » du 14 décembre 2004, Patrick Weil constatait l’existence de discrimination ethniques différenciées selon les professions et ce constat donne une partie de la solution :

Lorsqu’il s’agit d’accéder à un emploi, le problème est là plus restreint : c’est la discrimination ethnique qui est clairement en cause, mais, contrairement aux Etats-Unis, elle ne concerne pas toutes les professions. Elle est particulièrement grave pour ce qui est des cadres supérieurs du privé. Seuls 11 % des jeunes d’origine algérienne âgés de 25 à 33 ans, diplômés de l’enseignement supérieur, étaient cadres en 1990, contre 46 % des Français de naissance.

Par contre, lorsqu’il s’agit d’exercer une profession indépendante, commerçant, artisan ou chef d’entreprise, les jeunes d’origine algérienne réussissent aussi bien que les jeunes d’origine française.

Les enfants de l’immigration réussissent bien en droit ou en médecine, disciplines où le monopole de la formation est assuré par l’Université, ouverte à tous les bacheliers. C’est donc l’addition de la sélection à l’entrée des grandes écoles et de certains établissements (Instituts d’études politiques ou université Paris-Dauphine) et du mode de recrutement des cadres du privé qui provoque le plus haut degré de discrimination.

(..)

Une révision des épreuves des concours est aussi nécessaire afin d’en éliminer les épreuves sans programme (culture générale) ou celles dont le coefficient excessif est trop discriminant socialement (par exemple les langues vivantes).

Il est évident que les fameux oraux de « culture G », avec des questions sur l’opéra ou le cinéma d’auteur éliminent d’office la plupart des enfants des classes populaires, qu’il s’agisse des salariés immigrés de la région parisienne ou des paysans du Cantal.

On voit donc qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire dans la voie de l’intégration, et il faut répondre à la question : « Est-ce que le retour visible à des formes de religiosité bloque le processus d’intégration ? »

On peut d’ores et déjà, avant de traiter la question de l’islamophobie, observer que deux des générations précédentes, celle des célibataires géographiques des foyers SONACOTRA et celle de la « marche des beurs » n’étaient pas caractérisées par une piété ostensible, et qu’elles n’ont pas été mieux intégrées pour autant.

Qu’est-ce que l’islamophobie ?

Est-ce que l’islamophobie est un concept qui correspond à une réalité ?

Est-ce une invention des islamistes pour discréditer toute critique de leurs thèses et actions ?

Est-ce que le droit à la critique d’une religion ou de toutes les religions n’est pas un des droits fondamentaux de le personne humaine, au même titre que la liberté religieuse?

Est-ce un racisme ? Peut-on parler de racisme puisque musulman n’est pas une race ?

Par exemple, un site internet affiche ce slogan :

« Le racisme est la plus basse forme de stupidité humaine, l’islamophobie est le summum du bon sens2 »

Avant de développer la thèse double que :

l’islamophobie est un racisme, en sachant que la différence est parfois faible avec le racisme anti-arabe, la xénophobie, l’intolérance religieuse systématique.

et un racisme qui présente beaucoup de points communs avec l’antisémitisme

je rappelle que notre liberté individuelle est aussi bien le droit de pratiquer une religion, de l’exprimer publiquement, que de ne pas en avoir et de les critiquer.

Histoire de la notion de « races humaines »

On l’oublie souvent, mais les premières lois racistes en Europe ne furent pas allemandes, mais espagnoles3.

Ce sont les lois de « pureté du sang » édictées après l’achèvement de la « Reconquista » en 1492 (prise de Grenade ».

Non seulement le judaïsme et l’islam sont proscrits en Espagne, leurs fidèles ayant le choix entre la conversion, la mort ou l’exil, mais nul ne pouvait prétendre à un quelconque poste de responsabilité s’il ne prouvait pas qu’il n’avait pas d’ancêtres juifs ou musulmans sur quatre générations.

La notion de « sang », sera utilisée aussi bien dans l’élevage (un cheval pur-sang) que pour définir le premier racisme systématisé, à partir d’une différence religieuse.

L’arrivée des européens dans le Nouveau monde aura aussi deux conséquences :

l’extermination des « Indiens »

la traite des Noirs,

toutes deux justifiées par le fait qu’ils n’avaient pas la bonne religion.

L’année 1492 marque donc un tournant dans l’histoire européenne, avec l’apparition des premières théories racistes.

Bien sûr, le racisme existait avant, mais pas aussi théorisé.

La notion de race, appliquée à l’espèce humaine, apparaît après cette époque. Les premiers dictionnaires de langue française4, au XVIIème siècle, en donnent trois sens :

- famille ou lignée : la race des Bourbons

- sorte de gens, pas forcément héréditaire : « les usuriers sont une race maudite, une meschante race ».

- race animale

Le mot pour désigner une subdivision physique de l’espèce humaine n’apparaît qu’en 1832 dans le dictionnaire de l’Académie française,

Aujourd’hui, les races humaines existent pour la majorité de nos concitoyens, alors que cette notion est contestée par les scientifiques5.

Selon un sondage de la CNCDH en 2006 :

18 % des Français pensent que les races n’existent pas

67 % qu’elles se valent

12 % qu’il y a des races supérieures.

On peut d’ailleurs noter la différence entre la loi contre le racisme du 1er juillet 1972, votée à l’unanimité par le Parlement français à l’initiative du MRAP,

« en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée »

et les statuts du MRAP :

« en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une prétendue «race », une ethnie, une nation, une culture ou une religion déterminées. »

Islamophobie et antisémitisme.

A première vue, « noir », « jaune » peuvent sembler caractériser des groupes humains homogènes, localisés géographiquement, au moins à l’origine.

Il n’en est pas de même pour « juif », s’agissant de communautés très différentes par la langue, l’aspect physique, la localisation.

Si on peut soutenir, vu d’Europe, que Japonais et Birmans ont des points communs concernant leur apparence physique, c’est impossible entre Juifs éthiopiens et russes.

Il s’agit donc simplement d’un groupe humain défini par une unité de religion et le sentiment d’une origine commune, l’unité de culture étant plus réduite entre personnes de langues véhiculaires très différentes et de modes de vie, de relation avec leur environnement social très différentes.

L’origine commune « palestinienne » des différentes communautés juives du monde est aujourd’hui remise en cause par les historiens:

http://www.monde-diplomatique.fr/2008/05/ROULEAU/15885

Il n’y a plus guère que Laurent Joffrin6 pour parler de « race juive » :

« Réprouver l’intégrisme musulman et dénoncer le pouvoir supposé des juifs ce n’est pas la même chose. On est anti-intégriste dans le premier cas, raciste dans le second. On choisit sa religion, on ne choisit pas sa race. »7

Or, nul ne conteste que l’antisémitisme soit un racisme. Pourquoi n’en serait-il pas de même de l’islamophobie ?

Le MRAP est né de la lutte contre l’antisémitisme sous l’occupation nazie. A sa création, en 1949, les fondateurs ont voulu déjà élargir leur combat à toutes les autres formes de racisme.

Ce fut la raison de l’engagement du MRAP au coté des peuples en lutte contre le colonialisme, des noirs des États-Unis et d’Afrique du Sud.

En 1979, le MRAP devient le mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, sans renoncer à sa lutte contre l’antisémitisme.

Il lutte également contre les racismes anti-noir, anti-gens du voyage. Il affirma sa solidarité avec les travailleurs migrants.

Il prend conscience de la montée d’un racisme anti-musulman, avec différents évènements et affaires qui défrayent la chronique :

la révolution iranienne et l’affaire Salman Rushdie

les affaires de « voile islamique », des collégiennes de Creil au vote de la loi de mars 2004,

les caricatures danoises

Redeker

le gîte des Vosges (Fanny Truchelut)

Le MRAP en a pris « plein la figure », il a été accusé d’antisémitisme larvé parce qu’il avait refusé de stigmatiser les habitants de quartier populaires et parce qu’il avait critiqué la politique israélienne.

Ces accusations étaient parfois pernicieuses, notamment quand un journaliste attribuait ces orientations jugées condamnables à son principal responsable, Mouloud Aounit, identifié comme un « beur de Seine-Saint-Denis »

Or, il y a, dans cette démarche du MRAP, continuité avec les « fondamentaux », notamment la lutte contre l’antisémitisme.

En effet, avant d’être à prétexte scientifique et biologique, ce dernier trouve sa source dans l’anti judaïsme chrétien.

Avant la première croisade, il y eut la « croisade des gueux », qui commença par massacrer les Juifs dans la vallée du Rhin, avant que celle des chevaliers ne massacre les habitants de Jérusalem, juifs, chrétiens et musulmans confondus.

Il y eut aussi un « antisémitisme des Lumières ». L’article « juifs » du « Dictionnaire philosophique » de Voltaire vaudrait aujourd’hui à son auteur des poursuites pénales.

On peut aujourd’hui distinguer quatre grandes sortes d’antisémitisme, les trois premières pouvant être qualifiées d’antisémitisme « de mentalité », à prétexte culturel ou idéologique.

 


Antisémitisme chrétien

« des Lumières »

Politique et social

Biologique

Prétextes :

C'est le « peuple déicide, etc,, »

Leur religion les maintient dans l'obscurantisme, le fanatisme, etc..

Ce sont, au choix et parfois à la fois7 :

- des capitalistes exploiteurs du peuple

- des révolutionnaires dangereux

- de mauvais Français8 et des traitres en puissance9.

Leur sang, on parlerait aujourd'hui de gènes, n'est pas le même que le nôtre, et tout s'explique.

Héritiers d'aujourd'hui

Groupes chrétiens fondamentalistes (cathos et autres)

Laïcistes

Extrême-droite « traditionnelle »

« identitaires »


Il faut aussi rappeler que le terme « antisémitisme » désigne le racisme anti-juif et non pas le raciste anti « sémites ». Je dis cela pour tous les amis arabes qui affirment en toute sincérité : « on ne peut pas être antisémites, car nous sommes aussi des sémites. » Ils ont étymologiquement raison et politiquement tort.

Le mot sémite désigne d’abord un ensemble de langues voisines (arabe, hébreu, araméen, akkadien, etc..) parlées par des peuples que la Bible désigne comme descendant de Sem. Il aura confusion au XIXème siècle avec de soi-disant races. C’est un contresens, il n’y a pas plus de race sémite ou aryenne que de grammaire dolichocéphale.

Le terme d’antisémitisme a été inventé par un raciste allemand, Wilhem Marr, pour donner un masque scientifique à la haine des juifs.

Les trois premières catégories d’antisémites français ont souvent affirmé ne pas être racistes au sens nazi du terme. Et cela d’autant plus facilement que les Français n’étaient pas les mieux classés dans la hiérarchie raciale nazie.

Georges Bernanos écrira par exemple que les nazis ont « déshonoré l’antisémitisme ».

Cette attitude doit être rapprochée de celles des islamophobes d’aujourd’hui qui affirment ne pas être racistes, puisqu’il n’existe pas de race musulmane.

Deux autres points communs :

Ceux qui, avant 1939, s’opposent à l’antisémitisme ou simplement défendent les droits de l’homme sont qualifiés « d’enjuivés » par l’extrême-droite raciste, qui qualifie aujourd’hui de « dhimmis » ceux qui s’opposent à l’islamophobie.

Comme les juifs de cette époque, les musulmans sont dénoncés comme une cinquième colonne.

Les islamophobies.

L’islamophobie existe, des journalistes, des écrivains s’en réclament.

La plupart des institutions internationales la reconnaissent comme un forme de racisme, au même titre que l’antisémitisme.

Un rapport de l’UE en donne une définition (page 72/135)

http://eumc.europa.eu/eumc/material/pub/muslim/Manifestations_FR.pdf

 

http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/Manifestations_FR.pdf


1. L’Islam est considéré comme un bloc monolithique, statique et réagissant peu au changement.

2. L’Islam est considéré comme distinct et «autre». Il n’a pas de valeurs communes avec les autres cultures, n’est pas affecté par ces dernières et ne les influence pas.

3. L’Islam est considéré comme inférieur à l’Occident. Il est perçu comme barbare, irrationnel, primitif et sexiste.

4. L’Islam est considéré comme violent, agressif, menaçant, enclin au terrorisme et à la confrontation entre les civilisations.

5. L’Islam est considéré comme une idéologie politique utilisée pour acquérir des avantages politiques ou militaires.

6. Les critiques de l’Occident formulées par l’Islam sont rejetées d’emblée.

7. L’hostilité à l’égard de l’Islam est utilisée pour justifier des pratiques discriminatoires à l’encontre des musulmans et l’exclusion des musulmans de la société dominante.

  1. L’hostilité à l’égard des musulmans est considérée comme naturelle et normale.

Il existe de fait des islamophobies, avec des points communs et des connexions.

  1. Celle des chrétiens fondamentalistes, catholiques ou protestants, qui prêchent la guerre religieuse, envoient les missionnaires derrière les tanks.

  2. Celle des « laïcistes » et « anti-communautaristes », qui font de la laïcité une super religion d’État et un marqueur d’identité nationale. Riposte laïque en est l’exemple le plus marquant, qui n’hésite pas à adopter un ton chauvin et franchouillard.

  3. Celle des sionistes racistes, de la droite israélienne (et d’une partie de la gauche) pour qui Israël est « une villa au milieu de la jungle ». Elle est relayée en France par de nombreux sites internet.

  4. Celle des adeptes du « choc des civilisations », thèse de Bernard Lewis et Samuel Huntington11. On peut la regrouper avec celle des néo-cons pour qui le monde musulman est un ennemi de substitution, après la chute du bloc soviétique.

  5. Celle des racistes classiques et généralistes. Le dogme identitaire est « l’opposition au métissage ethnique et à la culpabilisation permanente des peuples européens ». Il faut signaler le cas particulier, dans cette mouvance, des racialistes néo-païens.

Les catégories 1 et 2 ont leur pendant dans les catégories d’antisémitisme énumérées supra. Les catégories 3 et 4 correspondent à la catégorie « politique et social ». Là aussi, il y a utilisation du phantasme de la « 5ème colonne », les musulmans de France étant l’objet de la même suspicion que les juifs au siècle dernier.

La 5ème catégorie a des points communs avec l’antisémitisme à prétexte biologique.

Le résultat de tout cela est que l’islamophobie est une des formes du racisme les plus présentes en France et dans d’autres pays.

http://pewglobal.org/reports/display.php?ReportID=262 (en anglais)

Commentaire en français sur ce site :

http://www.lapaixmaintenant.org/article1850

Avec ce commentaire :

De plus, de manière générale, il y a une corrélation claire entre les attitudes anti-juives et anti-musulmanes : les catégories ayant tendance à considérer les juifs de façon négative ont la même tendance à l’égard des musulmans.

On peut aussi citer les sondages effectués à l’initiative de la CNCDH.

Rapport 2007

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000167/0000.pdf

Opinions positives, négatives et neutres concernant (pages 321 à 323) :


 


Positif

Négatif

Neutre ou ne se prononcent pas.

Laïcité

71

7

22

Catholicisme

50

18

32

Religion en général

41

27

32

Judaïsme

39

22

39

Protestantisme

38

21

39

Islam11

28

39

33


Dans un sondage effectué pour le rapport 2006, 54 % des Français estimaient que ce sont les personnes d’origine étrangère qui ne se donnent pas les moyens de s’intégrer. 37 % estimaient que le défaut d’intégration était imputable à la société.

Comment réagir ?

Il y a tout d’abord la réaction judiciaire, en utilisant la loi de 1972. Il faut être rigoureux, dans la relation des faits et dans leur analyse.

Je développerai maintenant les réactions à avoir sur le terrain des idées, en les distinguant selon les catégories d’islamophobie. A chaque fois, le combat sera d’autant plus efficace qu’on montrera que cette forme de racisme n’est jamais isolée et va de pair avec d’autres.

Les fondamentalistes chrétiens

Une organisation laïque comme le MRAP n’est pas concernée par les débats théologiques. Mais elle est pleinement concernée par le racisme anti-musulman et ne pas hésiter à démonter le cas échéant qu’ils sont également antisémites, en commençant par les « chrétiens sionistes ».

Les sionistes racistes.

Il suffit de rappeler ce qui est arrivé aux Palestiniens, d’un simple point de vue profane et séculier.

Les théoriciens du « choc des civilisations ».

Il faut démontrer qu’ils nous « haïssent », non pas pour ce que nous sommes (démocrates, etc..), mais pour ce que nous faisons, en totale contradiction d’ailleurs avec nos principes.

« L’occident », concept ô combien contestable, a beaucoup de choses à se reprocher.

Nous devons rappeler que les catégories « huntingtioniennes » sont contestables, que le monde musulman est aussi hétérogène que « L’occident ». Par exemple, Emmanuel Todd propose une toute autre grille d’analyse des structures sociales et familiales, avec leur conséquences politiques. Nous devons aussi rappeler que Samuel Huntington désigne aussi d’autres ennemis : les Asiatiques et les Hispaniques.

Les politiques sécuritaires qui découlent de ces théories menacent aussi les libertés de tous.

Les laïcistes.

Il faut rappeler les bases : la laïcité n’est pas une méta-religion, ce n’est pas l’hostilité aux religions, aux croyants, c’est simplement la séparation des églises et de l’État.

Il faut sans cesse rappeler la définition des dictionnaires et le corpus législatif français concernant la laïcité. Les lois laïques sont d’abord des lois de liberté religieuse, contre l’emprise de l’Église catholique sur la vie politique. Nous devons défendre la laïcité, et non pas la « religion laïque » ou le national-laïcisme.

Les identitaires.

Le plus important est de démontrer ce qui se cache derrière le discours identitaire : la ségrégation raciale, le racisme, etc..

En conclusion, nous devons être présent sur les plans juridique et intellectuel.

Nous devons démonter que ce combat concerne tout le monde, que l’islamophobie n’est pas l’affaire des seuls musulmans, comme l’antisémitisme n’est pas l’affaire des seuls juifs.

Pour deux raisons :

2. Le mal est le même.

2. Nous sommes tous solidaires :

Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n’étais pas communiste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n’étais pas syndicaliste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je me suis tu, je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n’étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester

(Martin Niemöller)

1Cf. Robert Paxton et « La France de Vichy »

2http://stopislamisationdesesprits.blogspot.com/

3L’expulsion des juifs d’Espagne au nom de la pureté du sang

“La pureté de la race chez les nazis, c’est la même obsession que le sang pur espagnol !”

4http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/dicos/

5Ceux qui, exception faite des théoriciens nazis ou assimilés, continuent à reconnaître une certaine pertinence à ce concept, ne le font que pour des groupes humains réduits, souvent isolés, et qui ne correspondent pas aux catégories raciales habituelles.

6Libération du vendredi 25 juillet 2008

7Devant le tollé de nombreux lecteurs, Laurent Joffrin a alors entrepris de modifier son texte en ligne (pour la version papier, c’est trop tard). La version corrigée sur le net devient donc : « (…) attaquer une religion n’est pas attaquer une communauté. Réprouver l’intégrisme musulman et dénoncer le pouvoir supposé des juifs ce n’est pas la même chose. On est anti-intégriste dans le premier cas, raciste dans le second. ».

8Comme les gens qui invoquent ce genre d’arguments n’en sont pas à une contradiction près, il leur arrive d’affirmer que capitalistes et révolutionnaires sont complices.

9Avec des versions différentes à décliner selon les pays.

10L’affaire Dreyfus n’est pas un accident. Les thèmes antisémites du juif traitre à son pays seront développés longtemps, prenant prétexte du nombre de juifs originaires de pays d’Europe centrale ou avec des noms à consonance germanique.

11On oublie souvent que ce dernier désigne aussi deux autres ennemis : « le monde chinois » et le « péril brun », c’est-à-dire l’immigration hispanique aux États-Unis.

12On peut légitimement s’interroger sur la raison du questionnaire de la page 324, dont il n’existe pas d’équivalent pour les autres religions.

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