“Racines judéo-chrétiennes”, des sous-entendus contestables.
20 Décembre 2009 , Rédigé par Michel Servet Publié dans #Racisme
Racines chrétiennes, racines judéo-chrétiennes, héritage idem … sont régulièrement mentionnés, avec cette arrière-pensée : les musulmans français sont-ils des Français comme les autres ?
Nadine Morano en parle aussi, mais sait-elle ce que cela recouvre, et ne recouvre pas ?
Sur les racines chrétiennes, il y a déjà beaucoup à dire. Certes, l'identité de la France ne peut pas se connaître et se comprendre (pas se définir et se décider pour l'avenir) sans prise en compte de dix-sept siècles de christianisme.
Mais nous partageons ce passé chrétien, à des degrés divers, avec beaucoup d'autres pays, et personne ne confond la France avec l'Italie, etc.. et personne non plus ne prétend que les différences entre les pays d'Europe occidentale s'expliquent par une empreinte différente du christianisme.
Cet héritage chrétien n'est pas le seul, y compris à l'époque où personne ne pouvait s'exprimer dans un cadre autre que chrétien:
La société française s'est aussi organisée en dehors de l'Église, les châteaux-forts, les beffrois font tout autant partie de notre patrimoine que les cathédrales, etc..
Nous avons aussi un héritage païen : depuis les menhirs et dolmens jusqu'à la présence de la mythologie gréco-latine dans la littérature et les arts plastiques.
A partir du XVIIIème siècle, il est permis de penser publiquement en dehors du cadre religieux, y compris dans les domaines scientifiques. A Napoléon qui lui faisait remarquer qu'il n'y a aucune référence à Dieu dans son ouvrage, contrairement à celui de Newton, Laplace répondit qu'il n'avait pas eu besoin de cette hypothèse.
Les écrivains, artistes, hommes politiques seront pour certains toujours inspirés par le christianisme, d'autres beaucoup moins, et certains pas du tout, sans compter tous ceux qui se définissent « contre ».
Personne n'oserait définir André Gide et Jean-Paul Sartre comme des penseurs chrétiens, même s'ils sont nés dans des familles chrétiennes.
Le même constat peut être fait à propos du judaïsme.
Il faut être Nicolas Sarkozy (ou une de ses « plumes ») pour rendre hommage au judaïsme en citant trois noms :
Einstein, si peu religieux.
Spinoza, excommunié de la communauté juive d'Amsterdam pour hérésie (panthéisme).
Freud, auteur de « Moïse et le monothéisme », remise en cause radicale des fondements des religions monothéistes (dont le judaïsme).
La France a donc un héritage chrétien, mais il n'est pas que cela, et un arbre qui n'a que des racines s'appelle une souche, qui attend de pourrir.
Quant à l'héritage juif en pays chrétien, il a été récupéré et interprété pendant longtemps par l'Église catholique, qui s'affirme le « Second Israël », qui lit la Bible hébraïque à la lumière du Nouveau Testament, qui (au mieux) ignore toute la tradition juive postérieure à Jésus. La société française met des statues des rois d'Israël et de Juda sur ses cathédrales, mais elle ignore le grand talmudiste Rachi de Troyes et pourchasse les Juifs.
Jusqu'au concile de Vatican II, la lecture dans le texte de la Bible hébraïque (l'ancien Testament des chrétiens) est peu considérée, voire déconseillée, par l'Église catholique, alors que les protestants la pratiquent, mais ils sont très minoritaires en France.
Peut-on alors parler de racines judéo-chrétiennes et que recouvre ce terme ?
Tous les juifs persécutés au nom du christianisme auraient été heureux d'apprendre qu'il existait quelque chose de « judéo-chrétien » et qu'ils vivaient dans une société judéo-chrétienne.
Ce terme a de fait trois significations :
Historiquement, il désigne, parmi les premiers chrétiens, ceux qui étaient juifs et continuaient à respecter les préceptes du judaïsme, tout en reconnaissant en Jésus le messie d'Israël. Cette communauté est associée à « Jacques, frère de Jésus ».
Le terme a fait une nouvelle apparition, dans la postérité freudienne, pour désigner une « morale judéo-chrétienne », notamment en matière sexuelle. Certes, le Décalogue interdit beaucoup de choses, mais d'autres traditions religieuses sont tout aussi restrictives sur ce plan-là. Mais passons sur ce qui n'est qu'une erreur de terminologie, due à une ignorance très ethnocentrée.
Enfin, et c'est là le plus grave, le terme de judéo-chrétien est aujourd'hui employé pour tenter de faire croire qu'il y aurait eu et aurait naturellement une symbiose entre deux traditions monothéistes, mais pas trois.
Or cette symbiose n'a pas eu lieu en Chrétienté, et on peut, on doit le regretter. Il y a eu symbiose en terre d'Islam, et là on peut parler de civilisation judéo-arabe, ou judéo-musulmane.
Et si on réfléchit bien, tout ce que chrétiens et juifs ont en commun en termes d'héritage religieux et culturel, ils l'ont aussi avec les musulmans.
Alors, pourquoi exclure ?
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