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Le blog du vieux singe

Les indignations sélectives de Bernard Schalscha. Siné / Redeker

7 Août 2008 , Rédigé par Michel Servet Publié dans #Racisme, #Charlie-Hebdo

Bernard Schalscha, qui sonne la charge contre Siné, a signé en son temps la pétition de soutien à Robert Redeker . Il n’est pas le seul dans son cas. Le parallèle est intéressant, car il s’agit dans les deux cas de liberté de la presse.

Il y a des points communs :

- un article polémique et contesté

- des condamnations, de diverses formes, par des gens qui estiment cet article scandaleux (soit dit en passant, il n’y avait jamais eu de “fatwa” contre Redeker : des responsables musulmans avaient fait connaître leur indignation, sans appeler à quelle mesure de rétorsion que ce soit. Les condamnations de Siné furent beaucoup plus violentes dans leurs termes. Quant à celui qui avait menacé Redeker par mèl, ce zozo ne représentait que lui et a été fort justement condamné.)

- des menaces de mort contre l’auteur.

On pouvait espérer que ceux qui ont défendu le droit de Robert Redeker à s’exprimer, en ne tolérant aucune réserve sur ce qu’il avait écrit :

“C’est la raison pour laquelle nous tenons à apporter un soutien inconditionnel à Robert Redeker. Exprimer sur cette affaire la moindre réserve, c’est déjà faire une concession à la barbarie. Aussi dénonçons-nous cette rhétorique insidieuse qui consiste à assortir la condamnation de la fatwa dont est victime Robert Redeker d’un « même si » ou d’un « bien que ».”

allaient défendre le même droit pour Siné.

Et comme ils n’admettaient par principe aucune réserve sur le fond des propos de Robert Redeker, il leur fallait n’en admettre aucune concernant Siné.

Il n’en fut rien, au contraire, les défenseurs inconditionnels de Robert Redeker se muèrent en accusateurs de Siné.

Or, le contraire eût été à la rigueur plus logique, au nom des principes qui motivaient les défenseurs de Redeker : la lutte contre les intégrismes.

En effet, il faut reconnaître à Siné une très grande cohérence idéologique : c’est un bouffeur de curés, de pasteurs, d’imans, de rabbins, de bonzes, un adversaire de toutes les calottes, et qui ne fait pas dans la dentelle.

Comme j’espère l’avoir démontré, son articulet sur l’arrivisme du jeune S. n’avait rien de raciste.

Celles et ceux qui ont vu une allusion raciste me font penser aux bigots qui voyaient une incitation ouverte à la débauche dans le moindre cm² de peau découverte et la moindre allusion directe ou indirecte aux choses de la vie : c’étaient eux qui ne pensaient qu’à ça.

La tribune libre de Redeker dans le Figaro était d’une tout autre conception :

Foin de laïcité, son auteur estimait qu’il y avait des “bonnes ” religions, le judaïsme et le christianisme, et une mauvaise, l’islam. Bref, le discours symétrique de celui de Ben Laden.

Quand le judaïsme et le christianisme sont des religions dont les rites conjurent la violence, la délégitiment, l’islam est une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine.

Quant aux musulmans :

Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran.

Alors, on est très loin de Voltaire, adversaire de tous les fanatismes, mais qui a aussi écrit des textes antisémites abjects.

06 août 2008

J’ai beaucoup hésité à m’exprimer sur cette affaire, tout et le contraire de tout ayant été dit sur le sujet. Mais ce qui m’a décidé, c’est le fait que “Le Monde” ait donné la parole à deux ex-militants de la LCR, pour qu’ils se démarquent de leur ancienne organisation, et participent au lynchage de Siné.

Et ça donne ce chef-d’oeuvre. Seule consolation, les nombreuses réactions des lecteurs qui dans leur grande majorité ne comprennent pas la place donnée à ce texte qu’ils jugent stupide et/ou mensonger.

Pour éviter toute confusion, le texte de cette tribune, et la présentation du “Monde”, sont en vert..

Le soutien de la LCR à Siné, une affligeante dérive

Suite à la publication dans Charlie Hebdo d’une chronique de Siné dans laquelle il tenait des propos jugés antisémites, Philippe Val, directeur de l’hebdomadaire, a décidé de licencier ce dessinateur. Depuis, la polémique fait rage entre ceux qui soutiennent Siné et ceux qui approuvent Philippe Val. Un débat qui divise même la LCR.

Réponse de la LCR

Une hirondelle ne fait pas le printemps, et deux contestataires ne font pas forcément une grosse scission. J’ai cherché à en savoir plus sur eux, et Google donne quelques indications intéressantes.

Avec des camarades, pour la plupart issus du courant pabliste [tendance du mouvement trotskiste], nous avions rejoint la LCR en novembre 2002, à la suite de l’élection présidentielle et de la campagne électorale d’Olivier Besancenot, qui nous avaient semblé ouvrir de nouvelles perspectives pour l’extrême gauche.

Une des particularités du trotskisme, (4ème internationale), en France et ailleurs dans le monde, est son goût pour les débats intellectuels, ce qui est bon signe, et sa tendance aux scissions, ce qui n’est pas un gage d’efficacité. Dans cette longue et riche histoire, Michel Paptis “Pablo”, a joué un rôle important.

Mais aujourd’hui en France, trois grandes familles représentent la postérité du camarade Léon :

Lutte ouvrière, avec l’inusable Arlette

La LCR, issue de la tendance de Pierre Frank, un temps allié à Pablo. Parmi les leaders, on connait Alain Krivine, Daniel Bensaïd et maintenant Olivier Besancenot.

Enfin, le “Parti des travailleurs”, fondé par Pierre Broussel “Lambert”, bien implanté à FO et qui compta Lionel Jospin comme militant d’un de ses avatars antérieurs.

Quant aux pablistes, je croyais benoîtement qu’ils avaient disparu depuis mes années universitaires, comme les posadistes, les bordiguistes, etc.. Eh bien non, et j’ai tort de me moquer, la fidélité à des principes peut être admirable.

Mais qui pensaient-ils convaincre et impressionner en rappelant qu’ils venaient du courant pabliste ? Et ont-ils oublié qu’un des grands points de désaccord entre “Pablo” et ses camarades fut la question des alliances stratégiques avec les mouvements de libération nationale des pays du Sud. Pablo se mit d’ailleurs au service de la jeune Algérie indépendante, comme Siné..

Et comme ces camarades aiment à se donner de l’importance en faisant savoir à chaque fois qu’ils tournent casaque, j’ai retrouvé cet article signé par eux, avec dix autres, dans “Rouge”.

A déguster en lisant la suite..

Nous nous sommes ensuite peu à peu éloignés, déçus de trouver encore trop souvent dans cette organisation un mélange de sectarisme et d’archaïsme. Les désaccords furent nombreux, comme lors du chantage pour appeler à voter PS au deuxième tour, ou face à l’ouvriérisme occultant les mutations de la société. Militer à la LCR revenait trop souvent à faire du supersyndicalisme agrémenté d’une posture révolutionnariste. Nous avions donc pris nos distances avec l’organisation sans faire de bruit, parfois en colère face à telle prise de position. Pas de quoi s’enthousiasmer, mais rien d’irréparable. On pensait être en gros dans la même famille.

La LCR a sa grille d’analyse de la société, ses orientations. Elle les avait déjà en 2002, et il fallait être naïf pour penser que les douze “ralliés”, par leur charisme personnel, allaient faire changer d’avis les militants de la LCR, d’autant plus que ce sont en général des “pointures”, rompues aux débats d’idées.

Et puis survient l’affaire Siné, une déclaration antisémite dans sa plus grande banalité : les juifs sont riches.

Soyons sérieux : tout d’abord Siné n’a pas dit cela, il a dit que Jean Sarkozy voulait changer de religion pour épouser la fille Darty. Et il ne l’avait même pas inventé, l’information (??) avait été donnée par Patrick Gaubert, le président de la LICRA, qui trouvait ça très bien. La même LICRA qui dénoncera les propos de Siné et le même Patrick Gaubert qui approuve avec ses copains de l’UMP au Parlement européen la “Directive de la honte”, qui autorise l’emprisonnement pendant 18 mois de pauvres bougres qui ont cru trouver en Europe de quoi ne pas crever de faim.

Connaissant Siné, son athéisme militant, il aurait tout aussi bien ironisé “il ira loin, ce petit” sur une conversion à une autre religion, y compris celle d’un juif au christianisme. Le seul qui pouvait porter plainte était Jean Sarkozy, pour atteinte à sa vie privée, et éventuellement à son honneur, car chacun a le droit de se convertir par conviction ou par amour.

Et comme ces ex-camarades n’ont pas encore bien intégré les idées de leur nouvelle famille, je leur signale que dans la France des Sarkozy, être riche est la preuve qu’on a travaillé plus et dur, qu’on a créé des richesses, etc.. . Etre raciste, c’est prêter aux XXX.. , des défauts tels que voleurs, menteurs, violeurs, etc.. Présenter la richesse comme un motif de reproche, c’est faire de l’ouvriérisme et du misérabilisme, camarades !!

La LCR, qui d’ordinaire ne brille pas par ses prises de position sur les sujets “de société”, réagit cette fois au quart de tour : Besancenot, Krivine et Bensaïd signent la pétition en faveur de Siné, la direction pond un communiqué pour le soutenir. Les bras nous en tombent.

Vous confondez la LCR et LO. La LCR est très engagée sur les “sujets de société”, comme le nucléaire, la défense des sans-papiers, les droits des femmes. On est d’accord ou pas, mais elle prend position.

Certes, il y avait déjà eu motifs à inquiétude, comme un éditorial de Rouge qui comparait une opération militaire israélienne avec Guernica, ou le refus de la LCR de participer à la manifestation de protestation lors du meurtre d’Ilan Halimi.

C’était quelle “opération militaire” ? Si c’est la guerre contre le Liban (selon le Gouvernement libanais, le bilan est le suivant : 1 189 tués (des civils pour la plupart), 4 399 blessés, 974 189 personnes déplacées et 15 000 à 30 000 maisons détruites, la comparaison avec Guernica (ou Hanoï) est possible.

Je rappelle d’ailleurs que les dirigeants israéliens n’ont jamais hésité à comparer leurs adversaires politiques israéliens aux nazis: David Ben Gourion comparait les discours de Menahem Begin à ceux d’Hitler !!

Pour le meurtre de Ilan Halimi, je suppose que la LCR, comme d’autres, a refusé de manifester, si elle l’a fait, avec le le FN et le MPF qui avaient annoncé leur participation. Et une éventuelle erreur politique (faire passer les préférences politiques avant la solidarité contre le racisme) ne rend pas complice pour autant.

Youssouf Fofana, le chef du “gang des barbares” [soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de ce jeune homme], ne disait d’ailleurs rien d’autre que Siné : Ilan est juif, il a de l’argent.

Et je suppose que Jacques Attali, qui a écrit un ouvrage savant “Les juifs, le monde et l’argent”, qui se veut un pendant à “L”éthique protestante et l’esprit du capitalisme” de Max Weber, est à mettre dans le même sac. Fofana aurait enlevé, torturé puis tué Ilan Halimi parce qu’il pensait que les juifs avaient de l’argent et/ou étaient solidaires, comme d’autres avaient tué dans les mêmes conditions et dans l’indifférence générale Benoît Savéan parce qu’ils pensaient que les cadres de chez Peugeot étaient pleins aux as.

La différence, c’est que l’un n’est que dessinateur, l’autre inculpé d’assassinat.

Entre dire qu’une personne a de l’argent et que toutes celles de la même confession (puisqu’on parlait de conversion) en ont autant, il y a une énorme différence. Et entre cette deuxième proposition et un meurtre, il y en a encore une plus grande.

Exemple: il y a eu en Afrique orientale un très fort racisme contre les indo-pakistanais, accusé d’accaparer les richesses et de monopoliser le commerce.

Si Siné avait dit que Jean Sarkozy voulait se convertir pour épouser la fille Mittal, était-il complice des pogromeurs du Kenya et d’Ouganda ? Non, évidemment. Alors ??

Au fond, ils partagent le même point de vue sur les juifs, celui véhiculé, entre autres, par l’Eglise depuis saint Paul jusqu’à Vatican II.

Les textes anti-juifs des premiers chrétiens sont ceux de dissidents qui font tout pour se démarquer de la religion dont ils sont issus, d’autant plus qu’ils visent le même “segment commercial” : celui des “Gentils” intéressés par des religions un peu plus élaborées que la collection de rites romaine. Et si saint Paul dénonce les juifs, c’est pour ne pas avoir reconnu Jésus comme le Messie, pas parce qu’ils sont riches et capitalistes. Une telle accusation serait d’ailleurs complétement tombée à plat à cette époque.

L’anti-judaïsme chrétien se développe essentiellement à partir des Croisades, et s’il ne fait pas bon être juif en terre catholique, il n’est pas meilleur d’être musulman, cathare, vaudois, etc.. Avant cette période, il y a très peu de manifestations d’antijudaïsme (cf. Abraham Léon)

Le même aussi que celui que l’extrême droite n’a cessé de répandre depuis toujours; le même encore qui trouve un écho certain dans les banlieues populaires.

L’extrême-droite avait aussi trouvé (comme Soljenitsyne) un autre reproche à faire aux juifs : ils étaient révolutionnaires. Ce n’est pas très cohérent avec l’accusation de capitalisme, mais la haine n’est pas forcément logique. Soyez vigilants, ex-camarades, puisque la réthorique de certains antisémites est la même que celle des anticommunistes, on va pouvoir, à la manière de BHL ou Philippe Val, accuser les anticommunistes et antimarxistes d’antisémitisme.

L’antisémitisme existe dans les banlieues populaires, c’est hélas vrai, mais il n’est pas général et il n’existe pas que là. On le trouve aussi dans les beaux quartiers et ailleurs. Alors, pourquoi ne parler que des banlieues populaires ?

Nous savons combien ce fléau a imprégné le mouvement ouvrier, quelle a été la réticence, voire le refus, des courants les plus radicaux de soutenir cet “officier bourgeois” de capitaine Dreyfus.

Parmi ceux qui hésitaient à soutenir Dreyfus, il y avait Jaurès !! Ce n’était pas un radical !! Au départ, ils étaient un poignée à croire à l’innocence du capitaine : son frère Mathieu, sa femme, Bernard Lazare, Scheurer-Kestner.. Et si la gauche hésitait à s’engager, c’est notamment parce que ses propres militants étaient victimes de la répression, vivaient dans la misère, etc.. et qu’Alfred Deyfus était effectivement un bourgeois.

Et c’est la gauche, qui a porté finalement le combat pour la reconnaissance de l’innocence de Dreyfus, et qui l’a gagné !! Pas la droite !!

Nous n’oublions pas comment l’antisémitisme a été considéré comme un “premier pas vers l’anticapitalisme” par des leaders du mouvement socialiste révolutionnaire à ses débuts. Rappelons que l’antisémitisme a été une constante du stalinisme – qui l’a utilisé contre Trotski et ses partisans.

Bebel a dit “L’antisémitisme, c’est le socialisme des imbéciles”. Est-ce de la complaisance ? Et si une partie de la gauche n’est pas toujours très claire sur ce sujet, la droite est en général beaucoup plus claire, et pas dans le bon sens.

Siné ne peut même pas se draper dans un “antisionisme radical” : son texte, une fois n’est pas coutume, ne porte pas sur le Proche-Orient, sujet sur lequel la condamnation de la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens ne doit souffrir d’aucune ambiguïté antisémite.

Certes, elle ne doit souffrir d’aucune ambiguïté en général, et être sans ambiguïté.

Ce sont des propos de beauf qui aiguisent la haine contre les juifs, de ceux qui nourrissent quotidiennement la bête immonde.

Et quand des commentateurs comme Alexandre Adler font régulièrement dans leurs écrits le recensement de qui est juif et qui ne l’est pas (et pas chez les profs du secondaire), quand Joffrin parle de race juive, quand Val classe ses soutiens et adversaires selon qu’ils sont ou non juifs, c’est quoi ?

Que la LCR s’engage dans la défense de Siné fait que nous avons l’obligation politique et morale de la dénoncer. Il ne s’agit plus de divergences qui peuvent éventuellement être aplanies ou dépassées par le cours des événements. Il s’agit d’une conception autre de la vie. Soutenir Siné est contradictoire avec le projet d’émancipation universelle et fraternelle.

Au regard de ce qu’a été le courant trotskiste, en grande partie animé dès ses origines par des militants juifs, cette prise de position de la LCR constitue une affligeante ironie de l’Histoire. Rédhibitoire.

Bernard Schalscha et Gérard Garnier, ex-militants de la LCR

A suivre:

La curieuse conception de la vie de Bernard Schalscha.

Vrais et faux antisémites.

Un service majeur rendu aux antisémites, aux vrais.

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